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Popular Tales Part 16

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Celles qu'a cet emploi leur devoir interesse, Entrent dans la Cabane, & la diligemment Mettent tout leur savoir & toute leur adresse A donner de la grace a chaque ajustement.

Dans cette hutte ou l'on se presse, Les Dames admirent sans cesse Avec quel art la pauvrete S'y cache sous la proprete; Et cette rustique Cabane, Que couvre & refraichit un s.p.a.cieux Platane, Leur semble un sejour enchante.

Enfin, de ce Reduit sort pompeuse & brillante La Bergere Charmante, Ce ne sont qu'applaudiss.e.m.e.ns Sur sa beaute, sur ses habillemens; Mais sous cette pompe etrangere, Deja plus d'une fois le Prince a regrette Des ornemens de la Bergere L'innocente simplicite.

Sur un grand char d'or & d'Ivoire La Bergere s'a.s.sied pleine de Majeste, Le Prince y monte avec fierte, Et ne trouve pas moins de gloire A se voir comme Amant a.s.sis a son cote, Qu'a marcher en triomphe apres une victoire; La Cour les suit & tous gardent le rang Que leur donne leur charge ou l'eclat de leur sang.

La Ville dans les champs presque toute sortie Couvroit les plaines d'alentour, Et du choix du Prince avertie, Avec impatience attendoit son retour, Il paroit, on le joint. Parmi l'epaisse foule Du peuple qui se fend le char a peine roule; Par les longs cris de joye a tout coup redoublez, Les chevaux emus et troublez, Se cabrent, trepignent, s'elancent Et reculent plus qu'ils n'avancent.

Dans le Temple on arrive enfin, Et la par la chaine eternelle D'une promesse solennelle, Les deux Epoux unissent leur destin: Ensuite au Palais ils se rendent, Ou mille plaisirs les attendent, Ou la Danse, les Jeux, les Courses, les Tournois Repandent l'allegresse en differens endroits; Sur le soir le blond hymenee, De ses chastes douceurs couronna la journee.

Le lendemain les differents Etats De toute la Province Accourent haranguer la Princesse & le Prince Par la voix de leurs Magistrats.

De ses Dames environnee, Griselidis, sans paroitre etonnee, En Princesse les entendit, En Princesse leur repondit.

Elle fit toute chose avec tant de prudence, Qu'il sembla que le Ciel eut verse ses thresors, Avec encor plus d'abondance Sur son Ame que sur son corps.

Par son Esprit, par ses vives lumieres, Du Grand monde aussitot elle prit les manieres, Et meme des le premier jour Des talens, de l'humeur des Dames de la Cour, Elle se fit si bien instruire, Que son bon sens jamais embarra.s.se Eut moins de peine a les conduire, Que ses brebis du tems pa.s.se.

Avant la fin de l'an des fruits de l'hymenee, Le Ciel benit leur couche fortunee, Ce ne fut point un Prince, on l'eut bien souhaitte; Mais la jeune Princesse avoit tant de beaute, Que l'on ne songea plus qu'a conserver sa vie; Le Pere qui lui trouve un air doux & charmant, La venoit voir de moment en moment, Et la Mere encor plus ravie La regardoit incessamment.

Elle voulut la nourrir elle-meme, Ah! dit-elle, comment m'exempter de l'emploi Que ses cris demandent de moi, Sans une ingrat.i.tude extreme; Par un motif de Nature ennemi Pourrois-je bien vouloir de mon Enfant que j'aime, N'etre la Mere qu'a demi.

Soit que le Prince eut l'ame un peu moins enflamme Qu'aux premiers jours de son ardeur, Soit que de sa maligne humeur La ma.s.se se fut rallumee, Et de son epaisse fumee Eut obscurci ses sens et corrompu son Coeur; Dans tout ce que fait la Princesse, Il s'imagine voir peu de sincerite, Sa trop grande vertu le blesse, C'est un piege qu'on rend a sa credulite; Son Esprit inquiet & de trouble agite Croit tous les soupcons qu'il ecoute, Et prend plaisir a revoquer en doute L'excez de sa felicite.

Pour guerir les chagrins dont son ame est atteinte Il la suit, il l'observe, il aime a la troubler Par les ennuys de la contrainte, Par les alarmes de la crainte, Par tout ce qui peut demeler La verite d'avec la feinte.

C'est trop, dit-il, me laisser endormir, Si ses vertus sont veritables Les traitemens les plus insupportables, Ne feront que les affermir.

Dans son Palais il la tient reserree, Loin de tous les plaisirs qui naissent a la Cour, Et dans sa chambre, ou seule elle vit retiree, A peine il laisse entrer le jour.

Persuade que la Parure Et le superbe ajustement Du s.e.xe, que pour plaire a forme la Nature Est le plus doux enchantement.

Il lui demande avec rudesse Les Perles, les Rubis, les Bagues, les Bijoux Qu'il lui donna pour marque de tendresse, Lorsque de son Amant il devint son Epoux.

Elle dont la vie est sans tache, Et qui n'a jamais eu d'attache Qu'a s'acquiter de son devoir, Les lui donne sans s'emouvoir.

Et meme le voyant se plaire a les reprendre, N'a pas moins de joye a les rendre Qu'elle en eut a les recevoir.

Pour m'eprouver mon Epoux me tourmente, Dit-elle, & je voi bien qu'il ne me fait souffrir, Qu'afin de reveiller ma vertu languissante, Qu'un doux & long repos pourrait faire perir.

S'il n'a pas ce dessein, du moins suis-je a.s.suree Que telle est du Seigneur la conduite sur moi; Et que de tant de maux l'ennuyeuse duree, N'est que pour exercer ma constance & ma foi.

Pendant que tant de malheureuses Errent au gre de leurs desirs; Par mille routes dangereuses.

Apres de faux & vains plaisirs; Pendant que le Seigneur dans sa lente Justice Les laisse aller au bord du precipice Sans prendre part a leur danger Par un pur mouvement de sa bonte supreme Il me choisit comme un enfant qu'il aime Et s'applique a me corriger.

Aymons donc sa rigueur utilement cruelle On n'est heureux qu'autant qu'on a souffert; Aymons sa bonte paternelle Et la main dont elle se sert.

Le Prince a beau la voir ober sans contrainte A tous ses ordres absolus Je voi le fondement de cette vertu feinte Dit-il, & ce qui rend tous mes coups superflus, C'est qu'ils n'ont porte leur atteinte Qu'a des endroits ou son Amour n'est plus.

Dans son Enfant, dans la jeune Princesse Elle a mis toute sa tendresse A l'eprouver si je veux reussir C'est la qu'il faut que je m'adresse.

C'est la que je puis m'eclaircir.

Elle venait de donner la mamelle, Au tendre objet de son Amour ardent Qui couche sur son sein se jouoit avec elle, Et rioit en la regardant:

Je voi que vous l'aymez, lui dit-il, cependant Il faut que je vous l'ote en cet age encor tendre Pour lui former les moeurs & pour la preserver De certains mauvais airs qu'avec vous l'on peut prendre; Mon heureux sort m'a fait trouver Une Dame d'esprit qui saura l'elever Dans toutes les vertus & dans la politesse Que doit avoir une Princesse.

Disposez-vous a la quitter On va venir pour l'emporter.

Il la laisse a ces mots, n'ayant pas le courage, Ni les yeux a.s.sez inhumains, Pour voir arracher de ses mains De leur Amour l'unique gage; Elle de mille pleurs se baigne le visage, Et dans un morne accablement Attend de son malheur le funeste moment.

Des que d'une action si triste & si cruelle Le Ministre odieux a ses yeux se montra, Il faut ober lui dit-elle, Puis prenant son Enfant qu'elle considera, Qu'elle baisa d'une ardeur maternelle, Qui de ses pet.i.ts bras tendrement la serra, Toute en pleurs elle le livra.

Ah! que sa douleur fut amere!

Arracher l'Enfant ou le Coeur Du sein d'une si tendre Mere, C'est la meme douleur.

Pres de la Ville etoit un monastere, Fameux par son antiquite, Ou des vierges vivoient dans une regle austere, Sous les yeux d'une Abbesse ill.u.s.tre en piete.

Ce fut la que dans le silence, Et sans declarer sa naissance, On deposa l'Enfant & des bagues de prix, Sous l'espoir d'une recompense Digne de soins que l'on en auroit pris.

Le Prince qui tachoit d'eloigner par la Cha.s.se Le vif remords qui l'embarra.s.se Sur l'excez de sa cruaute, Craignoit de revoir la Princesse, Comme on craint de revoir une fiere Tigresse A qui son faon vient d'etre ote: Cependant il en fut traite Avec douceur, avec caresse, Et meme avec cette tendresse, Qu'elle eut aux plus beaux jours de sa prosperite.

Par cette complaisance & si grande & si prompte, Il fut touche de regret & de honte, Mais son chagrin demeura le plus fort: Ainsi, deux jours apres, avec des larmes feintes, Pour lui porter encor de plus vives atteintes, Il lui vient dire que la mort De leur aimable Enfant avoit fini le sort.

Le coup inopine mortellement la blesse Cependant malgre sa tristesse, Ayant veu son Epoux qui changeoit de couleur, Elle parut oublier son malheur, Et n'avoir meme de tendresse Que pour le consoler de sa fausse douleur.

Cette bonte, cette ardeur sans egale D'amitie conjugale, Du Prince tout a coup desarmant la rigueur Le touche, le penetre, & lui change le Coeur, Jusques-la qu'il lui prend envie De declarer que leur Enfant Jouit encore de la vie: Mais sa bile s'eleve, &, fiere lui defend De rien decouvrir du mystere Qu'il peut-etre utile de faire.

Des ce bien heureux jour telle des deux Epoux Fut la mutuelle tendresse, Qu'elle n'est point plus vive aux momens les plus doux Entre l'Amant & la Maitresse.

Quinze fois le soleil pour former les saisons, Habita tour a tour dans ses douze maisons, Sans rien voir qui les desunisse: Que si quelques fois par caprice Il prend plaisir a la facher, C'est seulement pour empecher Que l'amour ne se ralentisse, Tel que le forgeron qui pressant son labeur Repand un peu d'eau sur la braize De sa languissante fournaise Pour en redoubler la chaleur.

Cependant la jeune Princesse.

Croissoit en esprit, en sagesse, A la douceur, a la navete Qu'elle tenoit de son aimable Mere, Elle joignit de son Ill.u.s.tre Pere L'agreable et n.o.ble fierte.

L'Amas de ce qui plait dans chaque Caractere Fit une parfaite beaute.

Par tout comme un Astre elle brille, Et par hazard un Seigneur de la Cour, Jeune, bien fait & plus beau que le jour, L'ayant vu paroitre a la Grille, Concut pour elle un violent amour.

Par l'instinct qu'au beau s.e.xe a donne la nature, Et que toutes les beautez ont, De voir l'invisible blessure Que font leurs yeux, au moment qu'ils la font, La Princesse fut informee Qu'elle etoit tendrement aimee.

Apres avoir quelque tems resiste, Comme on le doit avant que de se rendre, D'un amour egalement tendre Elle l'aima de son cote.

Dans cet Amant, rien n'etoit a reprendre Il etoit beau, vaillant, ne d'ill.u.s.tres Ayeux Et des long-tems, pour en faire son Gendre Sur lui le Prince avoit jette les yeux.

Ainsi donc avec joye il apprit la nouvelle, De l'ardeur tendre & mutuelle Dont bruloient ces jeunes Amans, Mais il lui prit une bizarre envie, De leur faire acheter par de cruels tourmens, Le plus grand bonheur de leur vie.

Je me plairai, dit-il, a les rendre contens; Mais il faut que l'inquietude Par tout ce qu'elle a de plus rude, Rende encor leurs feux plus constans; De mon Epouze en meme tems, J'exercerai la patience, Non point comme jusqu'a ce jour, Pour ra.s.seurer ma folle defiance; Je ne dois plus douter de son amour: Mais pour faire eclatter aux yeux de tout le monde, Sa bonte, sa douceur, sa sagesse profonde; Afin que de ses dons si grands, si precieux, La terre se voyant paree, En soit de respect penetree, Et par reconnaissance en rende grace aux Cieux.

Il declare en public que manquant de lignee, En qui l'Etat un jour retrouve son Seigneur, Que la fille qu'il eut de son fol hymenee Etant morte aussi-tot que nee, Il doit ailleurs chercher plus de bonheur.

Que l'Epouze qu'il prend est d'ill.u.s.tre naissance, Qu'en un Couvent on l'a jusqu'a ce jour Fait elever dans l'innocence, Et qu'il va par l'hymen couronner son amour.

On peut juger a quel point fut cruelle Aux deux jeunes Amans cette affreuse nouvelle; Ensuite sans marquer ni chagrin ni douleur, Il avert.i.t son Epouze fidelle, Qu'il faut qu'il se separe d'elle Pour eviter un extreme malheur; Que le peuple indigne de sa ba.s.se naissance Le force a prendre ailleurs une digne alliance.

Il faut, dit-il, vous retirer Sous votre toit de chaume & de fougere Apres avoir repris vos habits de Bergere, Que je vous ai fait preparer.

Avec une tranquile & muette constance, La Princesse entendit p.r.o.noncer sa sentence; Sous les dehors d'un visage serain Elle devoroit son chagrin, Et sans que la douleur diminuat ses charmes, De ses beaux yeux tomboient de grosses larmes, Ainsi que quelquefois au retour du Printems, Il fait soleil, & pleut en meme tems.

Vous etes mon Epoux, mon Seigneur, & mon Maitre, (Dit-elle en soupirant, prete a s'evanouir,) Et quelque affreux que soit ce que je viens d'our, Je saurai vous faire connoitre Que rien ne m'est si cher que de vous obeir.

Dans sa chambre aussi-tot seule elle se retire Et la se depouillant de ses riches habits, Elle reprend paisible & sans rien dire, Pendant que son coeur en soupire, Ceux qu'elle avoit en gardant ses Brebis.

En cet humble & simple equipage, Elle aborde le Prince & lui tient ce langage.

Je ne puis m'eloigner de vous Sans le pardon d'avoir su vous deplaire, Je puis souffrir le poids de ma misere, Mais je ne puis, Seigneur, souffrir votre courroux.

Accordez cette grace a mon regret sincere, Et je vivrai contente en mon triste sejour, Sans que jamais le tems altere Ni mon humble respect, ni mon fidelle amour.

Tant de soumission, & tant de grandeur d'ame Sous un si vil habillement, Qui dans le coeur du Prince en ce meme moment Raveilla tous les traits de sa premiere flame, Alloient ca.s.ser l'arret de son banniss.e.m.e.nt.

Emu par de si puissants charmes, Et pret a repandre des larmes, Il commencoit a s'avancer, Pour l'embra.s.ser.

Quand tout a coup l'imperieuse gloire, D'etre ferme en son sentiment Sur son amour remporta la victoire, Et le fit en ces mots repondre durement.

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