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Popular Tales Part 15

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Le zele ardent, dont je voi qu'en ce jour Vous me portez aux noeuds du mariage, Me fait plaisir, & m'est de votre Amour Un agreable temoignage; J'en suis sensiblement touche, Et voudrais des demain pouvoir vous satisfaire Mais a mon sens l'Hymen est une affaire Ou plus l'homme est prudent, plus il est empeche.

Observez bien toutes les jeunes filles; Tant qu'elles sont au sein de leurs familles Ce n'est que vertu, que bonte, Que pudeur, que sincerite; Mais sitot que le mariage Au deguis.e.m.e.nt a mis fin, Et qu'ayant fixe leur destin Il n'importe plus d'etre sage, Elles quittent leur personnage, Non sans avoir beaucoup pati, Et chacune dans son menage Selon son gre prend son parti.

L'une d'humeur chagrine, & que rien ne recree, Devient une devote outree, Qui crie & gronde a tous momens, L'autre se faconne en Coquette, Qui sans cesse ecoute ou caquette, Et n'a jamais a.s.sez d'Amans; Celle ci des beaux arts follement curieuse, De tout decide avec hauteur, Et critiquant le plus habile autheur, Prend la forme de Precieuse; Cette autre s'erige en joueuse, Perd tout, argent, bijoux, bagues, meubles de prix, Et meme jusqu'a ses habits.

Dans la diversite des routes qu'elles tiennent Il n'est qu'une chose ou je voi Qu'enfin toutes elles conviennent, C'est de vouloir donner la Loi.

Or je suis convaincu que dans le mariage On ne peut jamais vivre heureux, Quand on y commande tous deux.

Si donc vous souhaittez qu'a l'Himen je m'engage, Cherchez une jeune Beaute Sans orgueil & sans vanite, D'une obessance achevee, D'une patience eprouvee, Et qui n'ait point de volonte, Je la prendrai quand vous l'aurez trouvee.

Le prince, ayant mis fin a ce discours moral, Monte brusquement a cheval, Et court joindre a perte d'haleine Sa meutte qui l'attend au milieu de la plaine.

Apres avoir pa.s.se des pres & des guerets, Il trouve ses cha.s.seurs couchez sur l'herbe verte Tous se levent, & tous alerte, Font trembler de leurs cors les hotes des forets.

Des chiens courans, l'abboyante famille, Deca, de la, parmi le chaume brille, Et les Limiers a l'oeil ardent Qui du fort de la bete a leur poste reviennent, Entrainent en les regardant Les forts valets qui les retiennent.

S'etant instruit par un des siens Si tout est pret, si l'on est sur la trace Il ordonne aussitot qu'on commence la cha.s.se, Et fait donner le Cerf aux chiens.

Le son des cors qui retentissent, Le bruit des chevaux qui hennissent Et des chiens animez les penetrans abois, Remplissent la foret de tumulte & de trouble, Et pendant que l'echo sans cesse les redouble, S'enfoncent avec eux dans les plus creux du bois.

Le Prince par hasard ou par sa destinee, Prit une route detournee Ou nul des cha.s.seurs ne le suit; Plus il court, plus il s'en separe: Enfin, a tel point il s'egare, Que des chiens & des cors il n'entend plus le bruit.

L'Endroit ou le mena sa bijarre avanture, Clair de ruisseaux & sombre de verdure, Saisissoit les Esprits d'une secrette horreur; La simple & nave nature S'y faisoit voir & si belle & si pure, Que mille fois il benit son erreur.

Rempli des douces reveries Qu'inspirent les grands bois, les eaux & les prairies, Il sent soudain frapper & son coeur & ses yeux Par l'objet le plus agreable, Le plus doux & le plus aimable Qu'il eut jamais vu sous les Cieux.

C'etoit une jeune Bergere Qui filoit aux bords d'un ruisseau, Et qui conduisant son troupeau, D'une main sage & menagere Tournoit son agile fuzeau.

Elle auroit pu dompter les coeurs les plus sauvages; Des Lys, son teint a la blancheur, Et sa naturelle fraicheur S'etoit toujours sauvee a l'ombre des boccages: Sa bouche, de l'enfance avoit tout l'agrement, Et ses yeux qu'adoucit une brune paupiere, Plus bleus que n'est le firmament, Avoient aussi plus de lumiere.

Le Prince, avec transport, dans le bois se glissant, Contemple les beautez dont son Ame est emeue, Mais le bruit qu'il fait en pa.s.sant De la belle sur lui fit detourner la veue; Des qu'elle se vit appercue, D'un brillant incarnat la prompte & vive ardeur, De son beau teint redoubla la splendeur, Et sur son visage epandeue, Y fit triompher la pudeur.

Sous le voile innocent de cette honte aimable, Le Prince decouvrit une simplicite, Une douceur, une sincerite, Dont il croyoit le beau s.e.xe incapable, Et qu'il voyait dans toute leur beaute.

Saisi d'une frayeur pour lui toute nouvelle, Il s'approche interdit, & plus timide qu'elle, Lui dit d'une tremblante voix, Que de tous ses veneurs il a perdu la trace, Et lui demande si la cha.s.se N'a point pa.s.se quelque part dans le bois.

Rien n'a paru, Seigneur, dans cette solitude, Dit-elle, & nul ici que vous seul n'est venu; Mais n'ayez point d'inquietude, Je remettrai vos pas sur un chemin connu.

De mon heureuse destinee Je ne puis, lui dit-il, trop rendre grace aux Dieux, Depuis long-tems je frequente ces lieux, Mais j'avois ignore jusqu'a cette journee Ce qu'ils ont de plus precieux.

Dans ce tems elle voit que le Prince se baisse Sur le moitte bord du ruisseau, Pour etancher dans le cours de son eau La soif ardente qui le presse; Seigneur, attendez un moment, Dit-elle, & courant promptement Vers sa cabane, elle y prend une ta.s.se, Qu'avec joye & de bonne grace, Elle presente a ce nouvel Amant.

Les vases precieux de cristal & d'agathe Ou l'or en mille endroits eclatte, Et qu'un art curieux avec soin faconna: N'eurent jamais pour lui, dans leur pompe inutile, Tant de beaute que le vase d'argile Que la Bergere lui donna.

Cependant pour trouver une route facile, Qui mene le Prince a la Ville, Ils traversent des bois, des rochers escarpez Et de torrents entrecoupez, Le Prince n'entre point dans de route nouvelle Sans en bien observer, tous les lieux d'alentour; Et son ingenieux Amour Qui songeoit au retour En fit une carte fidelle.

Dans un boccage sombre & frais Enfin la Bergere le meine, Ou, de dessous ses branchages epais Il voit au loin dans le sein de la plaine Les toits dorez de son riche Palais.

S'etant separe de la Belle, Touche d'une vive douleur, A pas lents il s'eloigne d'elle Charge du trait qui lui perce le coeur.

Le souvenir de sa tendre avanture, Avec plaisir le conduisit chez lui, Mais des le lendemain il sent.i.t sa blessure, Et se vit accable de tristesse & d'ennui.

Des qu'il le peut il retourne a la cha.s.se, Ou de sa suite adroitement Il s'echappe & se debarra.s.se Pour s'egarer heureus.e.m.e.nt.

Des arbres & des monts les cimes elevees.

Qu'avec grand soin il avoit observees, Et les avis secrets de son fidelle amour, Le guiderent si bien que malgre les traverses, De cent routes diverses, De sa jeune Bergere il trouva le sejour.

Il scut qu'elle n'a plus que son pere avec elle, Que Griselidis on l'appelle, Qu'ils vivent doucement du lait de leurs brebis, Et que de leur toison qu'elle seule elle file, Sans avoir recours a la Ville, Ils font eux-memes leurs habits.

Plus il la voit plus il s'enflame Des vives beautez de son ame.

Il connoit en voyant tant de dons precieux, Que si sa Bergere est si belle, C'est qu'une legere etincelle, De l'esprit qui l'anime a pa.s.se dans ses yeux.

Il ressent une joye extreme, D'avoir si bien place ses premieres amours, Ainsi sans plus tarder, il fit des le jour meme a.s.sembler son Conseil & lui tint ce discours.

Enfin aux Loix de l'hymenee Suivant vos voeux je me vais engager, Je ne prens point ma femme en pas etranger.

Je la prends parmi vous, belle, sage, bien nee, Ainsi que mes ayeux ont fait plus d'une fois, Mais j'attendrai cette grande journee A vous informer de mon choix.

Des que la nouvelle fut scue, Partout elle fut repandue.

On ne peut dire avec combien d'ardeur L'allegresse publique De tous cotez s'explique; Le plus content fut l'Orateur, Qui par son discours pathetique Croyoit d'un si grand bien etre l'unique Auteur, Qu'il se trouvoit homme de consequence!

Rien ne peut resister a la grande eloquence, Disoit-il sans cesse en son coeur.

Le plaisir fut de voir le travail inutile, Des Belles de toute la Ville Pour s'attirer & meriter le choix Du Prince leur Seigneur, q'un air chaste & modeste, Charmoit uniquement & plus que tout le reste, Ainsi qu'il l'avoit dit cent fois.

D'habit & de maintien toutes elles changerent, D'un ton devot elles tousserent, Elles radoucirent leurs voix, De demi pied les coeffures baisserent, La gorge se couvrit, les manches s'allongerent, A peine on leur voyoit le pet.i.t bout des doigts.

Dans la Ville avec diligence, Pour l'hymen dont le jour s'avance, On voit travailler tous les arts, Ici se font de magnifiques chars D'une forme toute nouvelle, Si beaux & si bien inventez, Que l'or qui par tout etincelle, En fait la moindre des beautez.

La, pour voir ais.e.m.e.nt & sans aucun obstacle, Toute la pompe du spectacle, On dresse de longs echaffaux, Ici de grands Arcs triomphaux, Ou du Prince guerrier se celebre la gloire, Et de l'amour sur lui l'eclatante victoire.

La sont forgez d'un art industrieux, Ces feux qui par les coups d'un innocent Tonnerre, En effrayant la Terre, De mille astres nouveaux embellissent les Cieux.

La d'un ballet ingenieux Se concerte avec soin l'agreable folie, Et la d'un Opera peuple de mille dieux, Le plus beau que jamais ait produit l'Italie, On entend repeter les Airs melodieux.

Enfin, du fameux hymene, Arriva la grande journee.

Sur le fond d'un Ciel vif & pur, A peine l'Aurore vermeille, Confondoit l'or avec l'azur, Que par tout en sursaut le beau s.e.xe s'eveille; Le peuple curieux s'epand de tous cotez, En differens endroits des Guardes sont postez, Pour contenir la populace, Et la contraindre a faire place.

Tout le Palais retent.i.t de clairons, De flutes, de hautbois, de rustiques musettes, Et l'on n'entend aux environs Que des tambours & des trompettes.

Enfin le Prince sort entoure de sa Cour, Il s'eleve un long cri de joye, Mais on est bien surpris quand au premier detour, De la foret prochaine on voit qu'il prend la voye, Ainsi qu'il faisoit chaque jour.

Voila, dit-on, son penchant qui l'emporte, Et de ses pa.s.sions, en depit de l'amour, La Cha.s.se est toujours la plus forte.

Il traverse rapidement Les guerets de la plaine, & gagnant la montagne, Il entre dans le bois au grand etonnement De la Troupe qui l'accompagne.

Apres avoir pa.s.se par differens detours, Que son coeur amoureux se plait a reconnaitre, Il trouve enfin la cabane champetre Ou logent ses tendres amours.

Griselidis de l'hymen informee, Par la voix de la Renommee, En avoit pris son bel habillement; Et pour en aller voir la pompe magnifique De dessous sa case rustique Sortoit en ce meme moment.

Ou courez-vous, si prompte & si legere?

Lui dit le prince en l'abordant, Cessez de vous hater, trop aimable Bergere, La Nopce ou vous allez, & dont je suis l'Epoux, Ne saurait se faire sans vous.

Oui, je vous aime, & je vous ai choisie Entre mille jeunes beautez Pour pa.s.ser avec vous le reste de ma vie.

Si toutefois mes voeux ne sont pas rejettez.

Ah! dit-elle, Seigneur, je n'ai garde de croire Que je sois destinee a ce comble de gloire, Vous cherchez a vous divertir.

Non, non, dit-il, je suis sincere, J'ai deja pour moi votre Pere.

(Le Prince avoit eu soin de l'en faire avertir) Daignez Bergere y consentir, C'est-la tout ce qui reste a faire.

Mais afin qu'entre nous une solide paix Eternellement se maintienne, Il faudroit me jurer que vous n'aurez jamais D'autre volonte que la mienne.

Je le jure, dit-elle, & je vous le promets; Si j'avois epouze le moindre du Village, J'oberois, son joug me serait doux, Helas! combien donc davantage, Si je viens a trouver en vous, Et mon Seigneur et mon Epoux.

Ainsi le Prince se declare, Et pendant que la Cour applaudit a son choix, Il porte la Bergere a souffrir qu'on la pare Des ornemens qu'on donne aux Epouzes des Rois.

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