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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 16

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Le troisieme jour, les bachas lui firent savoir qu'ils etoient prets a apprendre de lui le sujet qui l'amenoit. Il se rendit aussitot a la cour, et je l'y accompagnai. Deja le maitre avoit tenu son audience; il venoit de se retirer, et les bachas seuls etoient restes avec le beguelar ou seigneur de Grece. Quand nous eumes pa.s.se la porte nous les trouvames tous quatre a.s.sis en dehors de la galerie, sur un piece de bois qui se trouvoit la. Ils envoyerent dire a l'amba.s.sadeur d'approcher. On mit par terre, devant eux, un tapis, et ils l'y firent a.s.seoir comme un criminel qui est devant son juge. Cependant il y avoit dans le lieu une a.s.sez grande quant.i.te de monde.

Il leur exposa le sujet de sa mission, qui consistoit, m'a-t-on dit, a prier leur maitre, de la part du duc de Milan, de vouloir bien abandonner a l'empereur Romain Sigismond la Hongrie, la Valaquie, toute la Bulgarie jusqu'a Sophie, le royaume de Bosnie, et la partie qu'il possedoit d'Albanie dependante d'Esclavonie. Ils repondirent qu'ils ne pouvoient pour le moment en instruire leur seigneur, parce qu'il etoit occupe; mais que dans dix jours ils feroient connoitre sa reponse, s'il la leur avoit donnee. C'est encore la une chose d'usage, que des le moment ou un amba.s.sadeur est annonce tel, il ne peut plus parler au prince; et ce reglement a lieu depuis que le grand-pere de celui-ci a peri de la main d'un amba.s.sadeur de Servie. L'envoye etoit venu solliciter aupres de lui quelque adouciss.e.m.e.nt en faveur de ses compatriotes, que le prince vouloit reduire en servitude. Desespere de ne pouvoir rien obtenir, il le tua, et fut lui-meme ma.s.sacre a l'instant. [Footnote: Le grand-pere d'Amurath II est Bajazet I'er, qui mourut prisonnier de Tamerlan, soit qu'il ait ete traite avec egards par son vainqueur, comme le veulent certains ecrivains, soit qu'il ait peri dans une cage de fer, comme le pretendent d'autres: ainsi l'historiette de l'amba.s.sadeur de Servie ne peut le regarder. Mais on lit dans la vie d'Amurath I'er, pere de Bajazet, et par consequent bisaleul d'Amurath II, un fait qui a pu donner lieu a la fable de l'a.s.sa.s.sinat. Ce prince, en 1389, venoit de remporter sur le despote de Servie une victoire signalee dans laquelle il l'avoit fait prisonnier, et il parcouroit le champ de bataille quand, pa.s.sant aupres d'un soldat Treballien blesse a mort, celui-ci le reconnoit, ranime ses forces et le poignarde.

Selon d'autres auteurs, le despote, qui se nommoit Lazare ou Eleazar Bulcowitz, se voit attaque par une puissante armee d'Amurath. Hors d'etat de resister, il emploie la trahison: il gagne un des grands seigneurs de sa cour, qui feint de pa.s.ser dans le parti du sultan, et l'a.s.sa.s.sine.

(Ducange, Familiae Bisant p. 334.)

Enfin, selon une autre relation, Amurath fut tue dans le combat; mais Lazare, fait prisonnier par les Turcs, est par eux coupe en morceaux sur le cadavre sanglant de leur maitre.

Il paroit, d'apres le recit de la Brocquiere, que la version de l'a.s.sa.s.sinat du sultan par le Servien est la veritable. C'est au moins ce que paroissent prouver les precautions prises a la cour Ottomane contre les amba.s.sadeurs etrangers. Aujourd'hui encore, quand ils paroissent devant le souverain, on les tient par la manche.]

Le dixieme jour, nous allames a la cour chercher reponse. Le seigneur etoit, comme la premiere fois, sur son siege; mais il n'y avoit avec lui dans la galerie que ceux de ses gens qui lui servoient a manger. Je n'y vis ni buffet, ni menestrels, ni le seigneur de Bosnie, ni les Valaques; mais seulement Magnoly, frere du duc de Chifalonie (Cephalonie), qui se conduit envers le prince comme un serviteur bien respectueux. Les bachas eux-meme etoient en dehors, debout et fort loin, ainsi que la plupart des personnes que j'avois vues autrefois dans l'interieur; encore leur nombre etoit-il beaucoup moindre.

On nous fit attendre en dehors. Pendant ce temps, le grand cadi, avec ses autres a.s.socies, rendoit justice a la porte exterieure de la cour, et j'y vis venir devant lui des chretiens etrangers pour plaider leur cause. Mais quand le seigneur se leva, les juges leverent aussi leur seance, et se retirerent chez eux.

Pour lui, je le vis pa.s.ser avec tout son cortege dans la grande cour; ce que je n'avois pu voir la premiere fois. Il portait une robe de drap d'or, verte et peu riche, et il me parut avoir la demarche vive.

Des qu'il fut rentre dans sa chambre, les bachas, a.s.sis, comme la fois precedente, sur la piece de bois, firent venir l'amba.s.sadeur. Leur reponse fut que leur maitre le chargeoit de saluer pour lui son frere le duc de Milan; qu'il desireroit faire beaucoup en sa faveur, mais que sa demande en ce moment n'etoit point raisonnable; que, par egard pour lui, leur dit seigneur s'etoit souvent abstenu de faire dans le royaume de Hongrie de grandes conquetes, qui d'ailleurs lui eussent peu coute, et que ce sacrifice devoit suffire; que ce seroit pour lui chose fort dure de rendre ce qu'il avoit gagne par l'epee; que, dans les circonstances presentes, lui et ses soldats n'avoient, pour occuper leur courage, que les possessions de l'empereur, et qu'ils y renoncoient d'autant moins que jusqu'alors ils ne s'etoient jamais trouves en presence sans l'avoir battu ou vu fuir, comme tout le monde le savoit.

En effet, l'amba.s.sadeur etoit instruit de ces details. A la derniere defaite qu'eprouva Sigismond devant Couloubath, il avoit ete temoin de son desastre; il avoit meme, la veille de la bataille, quitte son camp pour se rendre aupres du Turc. Dans nos entretiens il me conta sur tout cela beaucoup de particularites. Je vis egalement deux arbaletriers Genois qui s'etoient trouves a ce combat, et qui me raconterent comment l'empereur et son armee repa.s.serent le Danube sur ces galeres.

Apres avoir recu la reponse des bachas, l'amba.s.sadeur revint chez lui; mais a peine y etoit-il arrive qu'il recut, de la part du seigneur, cinq mille aspres avec une robe de camocas cramoisi, doublee de bocca.s.sin jaune.

Trente-six aspres valent un ducat de Venise; mais sur les cinq mille le tresorier qui les delivra en retint dix par cent pour droits de sa charge.

Je vis aussi pendant mon sejour a Andrinople un present d'un autre genre, fait egalement par le seigneur a une mariee, le jour de ses noces. Cette mariee etoit la fille du beguelarbay, gouverneur de la Grece, et c'etoit la fille d'un des bachas qui, accompagnee de trente et quelques autres femmes, avoit ete chargee de le presenter. Son vetement etoit un tissu d'or cramoisi, et elle avoit le visage couvert, selon l'usage de la nation, d'un voile tres-riche et ornee de pierreries. Les dames portoient de meme de magnifiques voiles, et pour habillement les unes avoient des robes de velours cramoisi, les autres des robes de drap d'or sans fourrures. Toutes etoient a cheval, jambe de-ca, jambe de la, comme des hommes, et plusieurs avoient de superbes selles.

En ayant et a la tete de la troupe marchoient treize ou quatorze cavaliers et deux menestrels, egalement a cheval, ainsi que quelques autres musiciens qui portoient une trompette, un tres-grand tambour et environ huit paires de timbales. Tout cela faisoit un bruit affreux. Apres les musiciens venoit le present, et apres le present, les dames.

Ce present consistoit en soixante-dix grands plateaux d'etain charges de differentes sortes de confitures et de compotes, et vingt-huit autres dont chacun portoit un mouton ecorche. Les moutons etoient peints en blanc et en rouge, et tous avoient un anneau d'argent suspendu au nez et deux autres aux oreilles.

J'eus occasian de voir aussi dans Andrinople des chaines de chretiens qu'on amenoit vendre. Ils demandoient l'aumone dans les rues. Mais le coeur saigne quand on songe a tout ce qu'ils souffrent de maux.

Nous quittames la ville le 12 de Mars, sous la conduite d'un esclave que le seigneur avoit donne a l'amba.s.sadeur pour l'accompagner. Cet homme nous fut en route d'une grande utilite, surtout pour les logemens; car par-tout ou il demandoit quelque chose pour nous, a l'instant on s'empressoit de nous l'accorder.

Notre premiere journee fut a travers un beau pays, en remontant le long de la Marisce, que nous pa.s.sames a un bac. La seconde, quoiqu'avec bons chemins, fut employee a traverser des bois. Enfin nous entrames dans le pays de Macedoine. La je trouvai une grande plaine entre deux montagnes, laquelle peut bien avoir quarante milles de large, et qui est arrosee par la Marisce. J'y rencontrai quinze hommes et dix femmes enchaines par le cou. C'etoient des habitans du royaume de Bosnie que des Turcs venoient d'enlever dans une course qu'ils avoient faite. Deux d'entre eux les menoient vendre dans Andrinople.

Peu apres j'arrivai a Pheropoly, [Footnote: C'est une erreur de copiste: lui-meme, quelques lignes plus bas, a ecrit l'helippopoly, et en effet c'est de Philippopoli qu'il est mention.] capitale de la Macedoine, et batie par le roi Philippe. Elle est sur la Marisce, dans une grande plaine et un excellent pays, ou l'on trouve toutes sortes de vivres et a bon compte. Ce fut jadis une ville considerable, et elle l'est encore. Elle renferme trois montagnes, dont deux sont a une extremite vers le midi, et l'autre au centre. Sur celle-ci etoit construit un grand chateau en forme de croissant allonge; mais il a ete detruit. On me montra l'emplacement du palais du roi Philippe, qu'on a de meme demoli, et dont les murs subsistent encore. Philippopoli est peuplee en grande partie de Bulgares qui tiennent la loi Gregoise (qui suivent la religion Grecque).

Pour en sortir je pa.s.sai la Marisce sur un pont, et chevauchai pendant une journee toute entiere a travers cette plaine dont j'ai parle; elle about.i.t a une montagne longue de seize a vingt milles, et couverte de bois. Ce lieu etoit autrefois infeste de voleurs, et tres-dangereux a pa.s.ser. Le Turc a ordonne que quiconque y habiteroit fut Franc, et en consequence il s'y est eleve deux villages peuples de Bulgares, et dont l'un est sur les confins de Bulgarie et de Macedoine. Je pa.s.sai la nuit dans le premier.

Apres avoir traverse la montagne, on trouve une plaine de six milles de long sur deux de large; puis une foret qui peut bien en avoir seize de longueur; puis une autre grande plaine totalement close de montagnes, bien peuplee de Bulgares, et ou l'on a une riviere a traverser. Enfin j'arrivai en trois jours a une ville nommee Sophie, qui fut autrefois tres-considerable, ainsi qu'on le voit par les debris de ses murs rases jusqu'a terre, et qui aujourd'hui encore est la meilleure de la Bulgarie.

Elle a un pet.i.t chateau, et se trouve a.s.sez pres d'une montagne au midi, mais situee au commencement d'une grande plaine d'environ soixante milles de long sur dix de large. Ses habitans sont pour la plupart des Bulgares, et il en est de meme des villages. Les Turcs n'y forment que le tres-pet.i.t nombre; ce qui donne aux autres un grand desir de se tirer de servitude, s'ils pouvoient trouver qui les aidat.

J'y vis arriver des Turcs qui venoient de faire une course en Hongrie. Un Genois qui se trouvoit dans la ville, et qu'on nomme Nicolas Ciba, me raconta qu'il avoit vu revenir egalement ceux qui repa.s.serent le Danube, et que sur dix il n'y en avoit pas un qui eut a la fois un arc et une epee.

Pour moi, je dirai que parmi ceux-ci j'en trouvai beaucoup plus n'ayant ou qu'un arc ou qu'une epee seulement, que de ceux qui eussent les deux armes ensemble. Les mieux fournis portoient une pet.i.te targe (bouclier) en bois.

En verite, c'est pour la chretiente une grande honte, il faut en convenir, qu'elle se laisse subjuguer par de telles gens. Ils sont bien au-dessous de ce qu'on les croit.

En sortant de Sophie je traversai pendant cinquante milles cette plaine dont j'ai fait mention. Le pays est bien peuple, et les habitans sont des Bulgares de religion Grecque. J'eus ensuite un pays de montagnes, qui cependant est a.s.sez bon pour le cheval; puis je trouvai en plaine une tres-pet.i.te ville nommee Pirotte, situee sur la Nissave. Elle n'est point fermee; mais elle a un pet.i.t chateau qui, d'une part est defendu par la riviere, et de l'autre par un marais. Au nord est une montagne. Il n'y a d'habitans que quelques Turcs.

Au-dela de Pirotte on retrouve un pays montagneux; apres quoi l'on revient sur ses pas pour se rapprocher de la Nissave, qui traverse une belle vallee entre deux a.s.sez hautes montagnes. Au pied d'une des deux etoit la ville d'Ysvouriere, aujourd'hui totalement detruite, ainsi que ses murs. On cotoie ensuite la riviere, en suivant la vallee; on trouve une autre montagne dont le pa.s.sage est difficile, quoiqu'il y pa.s.se chars et charrettes. Enfin on arrive dans une vallee agreable qu'arrose encore la Nissave; et apres avoir traverse la riviere sur un pont, on entre dans Nisce (Nissa).

Cette ville, qui avoit un beau chateau, appertenoit au despote de Servie.

Le Turc l'a prise de force il y a cinq ans, et il l'a entierement detruite; elle est dans un canton charmant qui produit beaucoup de riz. Je continuai par-dela Nissa de cotoyer la riviere; et le pays, toujours egalement beau, est bien garni de villages. Enfin je la pa.s.sai a un bac, ou je l'abandonnai. Alors commencerent des montagnes. J'eus a traverser une longue foret fangeuse, et, apres dix journees de marche depuis Andrinople, j'arrivai a Corsebech, pet.i.te ville a un mille de la Morane (Morave.)

La Morave est une grosse riviere qui vient de Bosnie. Elle, separe la Bulgarie d'avec la Rascie ou Servie, province qui porte egalement ces deux noms, et que le Turc a conquise depuis six ans.

Pour Corsebech, il avoit un pet.i.t chateau qu'on a detruit. Il a encore une double enceinte de murs; mais on en a demoli la partie superieure jusqu'au-dessous des creneaux.

J'y trouvai Cenamin-Bay, capitaine (commandant) de ce vaste pays frontiere, qui s'etend depuis la Valaquie jusqu'en Esclavonie. Il pa.s.se dans la ville une partie de l'annee. On m'a dit qu'il etoit ne Grec, qu'il ne boit point de vin, comme les autres Turcs, et que c'est un homme sage et vaillant, qui s'est fait craindre et obeir. Le Turc lui a confie le commandement de cette contree, et il en possede en seigneurie la plus grande partie. Il ne laisse pa.s.ser la riviere qu'a ceux qu'il connoit, a moins qu'ils ne soient porteurs d'une lettre du maitre, ou, en son absence, du seigneur de la Grece.

Nous vimes la une belle personne, genti-femme du royaume de Hongrie, dont la situation nous inspira bien de la pitie. Un renegat Hongrois, homme du plus bas etat, l'avoit enlevee dans une course, et il en usoit comme de sa femme. Quand elle nous apercut elle fondit en larmes; car elle n'avoit pas encore renonce a sa religion.

Au sortir de Corsebech, je traversai la Morave a un bac, et j'entrai sur les terres du despote de Ra.s.sie ou de Servie, pays beau et peuple. Ce qui est en-deca de la riviere lui appartient, ce qui se trouve au-dela est au Turc; mais le despote lui paie annuellement cinquante mille ducats de tribut.

Celui-ci possede sur la riviere et aux confins communs de Bulgarie, d'Esclavonie, d'Albanie et de Bosnie, une ville nommee Nyeuberge, qui a une mine portant or et argent tout a la fois. Chaque annee elle lui donne plus de deux cent mille ducats, m'ont dit gens qui sont bien instruits: sans cela il ne seroit pas longtemps a etre cha.s.se de son pays.

Sur ma route je pa.s.sai pres du chateau d'Escalache, qui lui appartenoit.

C'etoit une forte place, sur la pointe d'une montagne au pied de laquelle la Nissane se jette dans la Morave. On y voit encore une partie des murs avec une tour en forme de donjon; mais c'est tout ce qui en reste.

A cette embouchure des deux rivieres le Turc tient habituellement quatre-vingts ou cent fustes, galiottes et gripperies, pour pa.s.ser, en temps de guerre, sa cavalerie et son armee. Je n'ai pu les voir, parce qu'on ne permet point aux chretiens d'en approcher; mais un homme digne de foi m'a dit qu'il y a toujours, pour les garder, un corps de trois cents hommes, et que ce corps est renouvele de deux en deux mois.

D'Escalache au Danube il y a bien cent milles, et neanmoins, dans toute la longueur de cet es.p.a.ce, il n'existe d'autre forteresse ou lieu de quelque defense qu'un village et une maison que Cenaym-Bay a fait construire sur le penchant d'une montagne, avec une mosquee.

Je suivis le cours de la Morave; et, a l'exception d'un pa.s.sage tres-boueux qui dure pres d'un mille, et que forme le resserrement de la riviere par une montagne, j'eus beau chemin et pays agreable et bien peuple. Il n'en fut pas de meme a la seconde journee: j'eus des bois, des montagnes, beaucoup de fange; neanmoins le pays continua d'etre aussi beau que peut l'etre un pays de montagnes. Il est bien garni de villages, et par tout on y trouve tout ce dont on a besoin.

Depuis que nous avions mis le pied en Macedoine, en Bulgarie et en Ra.s.sie, sans cesse sur notre pa.s.sage j'avois trouve que le Turc faisoit crier son ost, c'est-a-dire qu'il faisoit annoncer que quiconque est tenu de se rendre a l'armee, se tint pret a marcher. On nous dit que ceux qui, pour satisfaire a ce devoir, nourrissent un cheval sont exempts du comarch; que ceux des chretiens qui veulent etre dispenses de service paient cinquante aspres par tete, et que d'autres y marchent forces; mais qu'on les prend pour augmenter le nombre.

L'on me dit aussi, a la cour du despote, que le Turc a partage entre trois capitaines la garde et defense de ces provinces frontieres. L'un, nomme Dysem-Bay, a depuis les confins de la Valaquie jusqu'a la mer Noire; Cenaym-Bay, depuis la Valaquie jusqu'aux confins de Bosnie; et Ysaac-Bay, depuis ces confins jusqu'a l'Esclavonie, c'est-a-dire tout ce qui est par dela la Morave.

Pour reprendre le recit de ma route, je dirai que je vins a une ville, ou plutot a une maison de campagne nommee Nichodem. C'est la que le despote, a fixe son sejour, parce que le terroir en est bon, et qu'il y trouve bois, rivieres et tout ce qu'il lui faut pour les plaisirs de la cha.s.se et du vol, qu'il aime beaucoup.

Il etoit aux champs et alloit voler sur la riviere, accompagne d'une cinquantaine de chevaux, de trois de ses enfans et d'un Turc qui, de la part du maitre, etoit venu le sommer d'envoyer a l'armee un de ses fils avec son contingent. Independamment du tribut qu'il paie, c'est-la une des conditions qui lui sont imposees. Toutes les fois que le seigneur lui fait pa.s.ser ses ordres, il est oblige de lui envoyer mille ou huit cents chevaux sous le commandement de son second fils.

Il a donne a ce maitre une de ses filles en mariage, et cependant il n'y a point de jour qu'il ne craigne de se voir enlever par lui ses Etats; j'ai meme entendu dire qu'on en avoit voulu inspirer de l'envie a celui-ci, et qu'il avoit repondu: "J'en tire plus que si je les possedois. Dans ce cas je serois oblige de les donner a l'un de mes esclaves, et je n'en aurois rien."

Les troupes qu'il levoit etoient destinees contre l'Albanie, disoit-on.

Deja il en avoit fait pa.s.ser dans ce pays dix mille; et voila pourquoi il avoit pres de lui si peu de monde a Lessere quand je l'y vis: mais cette premiere armee avoit ete detruite. [Footnote: C'est en effet dans cette meme annee 1433 que le celebre Scanderberg, apres etre rentre par ruse en possession de l'Albanie, dont ses ancetres etoient souverains, commenca contre Amurath cette guerre savante qui le couvrit de gloire et qui ternit les dernieres annees du sultan.]

Le seigneur despote est un grand et bel homme de cinquante-huit a soixante ans; il a cinq enfans, trois garcons et deux filles. Des garcons, l'un a vingt ans, l'autre quatorze, et tous trois sont, comme leurs pere, d'un exterieur tres-agreable. Quant aux filles, l'une est mariee au Turc, l'autre au comte de Seil; mais je ne les ai point vues, et ne puis rien en dire. [Footnote: Le despote dont il s'agit se nommoit George Brancovitz ou Wikovitz. On trouve dans Ducange (Familiae Bisant p. 336) quelques details sur lui et sa famille.]

Lorsque nous le rencontrames aux champs, ainsi que je l'ai dit, l'amba.s.sadeur et moi nous lui primes la main et je la lui baisai, parce que tel est l'usage. Le lendemain nous allames le saluer chez lui. Sa cour, a.s.sez nombreuse, etoit composee de tres-beaux hommes qui portent longs cheveux et longue barbe, vu qu'ils sont de la religion Grecque. Il y avoit dans la ville un eveque et un maitre (docteur) en theologie, qui se rendoient a Constantinople, et qui etoient envoyes en amba.s.sade vers l'empereur par le saint concile de Bale. [Footnote: Ce saint concile, qui finit par citer a son tribunal et deposer le pape, tandis que le pape lui ordonnit de se dissoudre et en convoquoit un autre a Ferrare, puis a Florence, avoit entrepris de reunir l'eglise Grecque a la Latine; et c'est dans ce dessein qu'il deputoit vers l'empereur. Celui-ci se rendit effectivement en Italie, et il signa dans Florence cette reunion politique et simulee dont il a ete parle plus haut.]

De Coursebech j'avois mis deux jours pour venir a Nicodem; de Nicodem a Belgrado j'en mis un demi. Ce ne sont jusqu'a cette derniere ville que grands bois, montagnes et vallees; mais ces valees foisonnent de villages dans lesquels on trouve beaucoup de vivres, et specialement de bons vins.

Belgrade est en Rascie, et elle appartenoit au despote, mais depuis quatre ans il l'a cedee au roi de Hongrie, parce qu'on a craint qu'il ne la laissat prendre au Turc, comme il a laisse prendre Coulumbach. Cette perte fut un grand malheur pour la chretiente. L'autre en seroit un plus grand encore, parce que la place est plus forte, et qu'elle peut loger jusqu'a cinq a six mille chevaux. [Footnote: On sera etonne de voir l'auteur, en parlant de la garnison d'une place de guerre, ne faire mention que de chevaux. Ci-dessus, lorsqu'il a specifie le contingent que le despote etoit oblige de fournir a l'armee Turque, il n'a parle que de chevaux. Sans cesse il parle de chevaux. C'est qu'alors en Europe on ne faisoit cas que de la gendarmerie, et que l'infanterie ou pietaille, presque toujours mal composee et mal armee, etoit comptee pour tres-peu.]

Le long de ses murs, d'un cote, coule une grosse riviere qui vient de Bosnie, et qu'on nomme la Sanne; de l'autre elle a un chateau pres ququel [sic--KTH] pa.s.se le Danube, et la, dans ce Danube; se jette la Sanne. C'est sur la pointe formee par les deux rivieres qu'est batie la ville.

Dans le pourtour de son enceinte son terrain a une certaine hauteur, excepte du cote de terre, ou il est tellement uni qu'on peut par la venir de plain pied jusqu'au bord du fosse. De ce cote encore, il y a un village qui, s'etendant depuis la Sanne jusqu'au Danube, enveloppe la ville a la distance, d'un trait d'arc.

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